Le premier projet
- Ler Wyn
- 19 mai
- 3 min de lecture
Qu'il est rare que j'éprouve de la nostalgie pour mon premier projet.
Connaissez-vous Eléanor & Park, oeuvre de Rainbow Rowell ? Probablement que non. Fiction méconnue du paysage de la romance ado, c'est cette œuvre qui a donné les prémisses de Sous mes yeux, une romance que j'avais débuté pour un Nanowrimo, le 2022 de mémoire.
Je reste persuadé qu'il y a des moments dans la vie d'un écrivain qui marquent un avant et un après. Pour moi, ce moment s'appelle "Sous mes yeux". C'est mon premier roman cloturé; le premier projet que j'ai mené à son terme, du premier mot au point final. Pour quelqu'un qui collectionne les débuts d'histoires comme d'autres les timbres, c'était une victoire personnelle.
Une histoire qui m'a choisi
"Sous mes yeux" raconte l'histoire de deux étudiants qui se détestent. Ils sont rivaux dans un concours de chant à l'université. Chaque rencontre est un combat, un affrontement. Il est tout ce qu'elle déteste, et lui ne comprend pas pourquoi il est si malaimé... Mais à force de se croiser, de se défier, quelque chose change. C'est le destin qui se joue d'eux. L'animosité se transforme. Les regards s'attardent. Les mots deviennent moins tranchants.
J'ai écrit ce roman à deux voix. Chaque personnage raconte sa version des événements. Le lecteur assiste à cette danse entre deux personnes qui refusent d'admettre ce qui se passe sous leurs yeux : ils tombent amoureux.
Le miracle de la dernière page
Je ne sais pas exactement ce qui m'a permis d'aller au bout de ce projet. Peut-être que ces personnages m'ont suffisamment obsédé pour que je veuille connaître leur fin. Peut-être que leur histoire était assez simple, assez linéaire pour ne pas me perdre en route.
Quand j'ai tapé le dernier mot, j'ai ressenti un mélange de fierté et d'incrédulité. Moi qui commence cent projets sans en finir un seul, j'avais un manuscrit complet entre les mains.
Un vrai roman, avec un début, un milieu et une fin.
Le paradoxe du tiroir
Aujourd'hui, "Sous mes yeux" dort dans un tiroir. Pas par honte ou par déception. Non, c'est plus complexe que ça. Ce roman représente tellement pour moi que j'ai du mal à le laisser partir. C'est mon premier-né littéraire. La preuve que je peux aller au bout de mes projets.
Je pense souvent à le ressortir, à le retravailler, à le proposer à des éditeurs. Mais il y a toujours un nouveau projet qui démarre, une nouvelle idée qui brille plus fort. "Sous mes yeux" reste là, patient, comme s'il savait qu'un jour viendra son tour.
L'envie d'une suite
Le plus ironique, c'est que je pense régulièrement à écrire une suite. J'imagine où sont mes personnages maintenant. Comment leur relation a évolué. Quels nouveaux défis ils affrontent. Ces idées tournent dans ma tête, s'ajoutant à la longue liste de mes projets en attente.
Parfois, je me dis que ce serait beau de leur offrir une seconde histoire. De retrouver leur voix, leur dynamique. Mais pour l'instant, ces pensées restent des pensées.
Ce que ce roman m'a appris
"Sous mes yeux" m'a appris que je pouvais finir un projet. C'est devenu ma référence, mon point d'ancrage. Quand je doute, quand je m'éparpille entre dix nouvelles idées, je pense à ce roman. Il me rappelle que c'est possible.
Ce n'est peut-être pas mon meilleur travail. Ce n'est certainement pas le plus ambitieux. Mais c'est celui qui compte le plus. Parce qu'il m'a prouvé que derrière le papillon créatif qui voltige d'idée en idée, il y a aussi un écrivain capable d'aller au bout des choses.
Un jour peut-être
Un jour, je sortirai "Sous mes yeux" de son tiroir. Je relirai l'histoire de ces deux rivaux qui deviennent potentiellement amants. Je corrigerai ce qui doit l'être. Je lui donnerai sa chance dans le monde.
Un jour, j'écrirai peut-être cette suite qui me trotte dans la tête. Je retrouverai mes personnages, je leur offrirai de nouvelles péripéties, de nouveaux moments volés.
Mais pour l'instant, "Sous mes yeux" reste mon secret bien gardé. Mon talisman personnel. La preuve tangible que je ne suis pas qu'un collectionneur de débuts d'histoires. Je suis aussi, parfois, quand les étoiles s'alignent, un écrivain qui va jusqu'au bout.
Et ça, ça n'a pas de prix.



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