La symphonie inachevée : Quand mon esprit papillonne entre mille projets.
- Ler Wyn
- 15 mai
- 4 min de lecture
Mon esprit ressemble à un champ de bataille.
Des carnets à moitié remplis s'empilent sur des dossiers numériques aux noms prometteurs. Des synopsis de romans côtoient des ébauches de nouvelles, des plans d'essais flirtent avec des scénarios en devenir. Chaque projet est une promesse, un univers en germination, une histoire qui attend son heure. Et moi, en homme débordé, je dirige une symphonie dont aucun mouvement n'est jamais achevé.
L'ivresse des commencements
Il y a quelque chose d'enivrant dans l'acte de création. Cette première étincelle, ce moment où l'idée jaillit et illumine l'esprit d'une lumière prometteuse. C'est un instant de pure magie, où tout semble possible, où l'œuvre future apparaît dans toute sa splendeur potentielle. Dans ces moments-là, je suis un tisserand d'histoires.
Le problème, c'est que je suis accro à cette sensation. Chaque nouveau projet est une dose d'adrénaline, une bouffée d'inspiration pure. Commencer est facile, grisant même. C'est la suite qui pose problème.
Le syndrome de l'explorateur perpétuel
Je suis comme ces explorateurs de l'ancien temps, toujours à la recherche de terres vierges, incapable de s'établir durablement sur un territoire. À peine ai-je défriché un coin de jungle narrative que mon regard se porte déjà vers l'horizon, vers cette montagne d'idées qui m'appelle au loin.
Cette tendance à papillonner n'est pas un simple caprice. Elle révèle une nature profonde : celle d'un esprit curieux, avide de découvertes, effrayé peut-être par la routine que représente le travail de longue haleine. Car finir un projet, c'est accepter de s'installer, de creuser profond plutôt que de survoler large.
La peur de l'engagement créatif
Au-delà de l'attrait de la nouveauté se cache une peur plus sourde : celle de l'engagement. Terminer un projet, c'est l'exposer au monde, c'est accepter qu'il ne soit plus cette chose parfaite que l'on imagine, mais une œuvre réelle, avec ses forces et ses faiblesses. Tant qu'un projet reste inachevé, il conserve tout son potentiel. Une fois terminé, il devient ce qu'il est, ni plus ni moins.
Cette peur de la finitude me maintient dans un état de création perpétuelle, mais superficielle. Je suis un semeur qui ne récolte jamais, un bâtisseur de fondations sans murs ni toit.
La richesse dans la dispersion
Pourtant, cette apparente faiblesse cache aussi une force. Chaque projet mis de côté n'est pas un échec mais une sorte d'exploration, un apprentissage. Les idées se nourrissent les unes des autres, créant un terreau fertile où germent de nouvelles créations. Les personnages d'un roman inachevé peuvent renaître dans une nouvelle, les recherches pour un essai peuvent enrichir un article.
Ma créativité fonctionne par rhizomes, ces tiges souterraines qui s'étendent en réseau, créant des connexions inattendues entre des projets apparemment disparates. Ce qui semble être de la dispersion est en réalité un mode de fonctionnement créatif à part entière.
L'art de la navigation créative
J'apprends peu à peu à naviguer dans cet océan de projets. Plutôt que de me flageller pour mon inconstance, j'essaie de comprendre le rythme de ma créativité. Certains projets sont des sprints, d'autres des marathons. Certains ont besoin de mûrir dans l'ombre avant de voir le jour, d'autres explosent comme des feux d'artifice.
L'important n'est pas de forcer une discipline qui irait contre ma nature, mais de trouver un équilibre entre l'exploration et l'approfondissement. Peut-être qu'un jour, un projet s'imposera avec une telle force qu'il exigera toute mon attention. Ou peut-être continuerai-je à danser entre mes créations, acceptant que certaines restent des esquisses tandis que d'autres deviendront des œuvres achevées.
La beauté de l'inachevé
Il y a une beauté particulière dans l'inachevé, dans ces projets qui flottent dans les limbes de la création. Ils sont comme ces ruines romantiques qui laissent deviner la grandeur de ce qui aurait pu être. Ils témoignent d'une vie créative foisonnante, d'un esprit qui refuse de se laisser enfermer dans une seule direction.
Mes tiroirs débordent de ces promesses non tenues, de ces mondes à moitié construits. Et plutôt que d'y voir un cimetière de projets, j'y vois un jardin en perpétuelle floraison, où chaque graine peut un jour germer si les conditions sont réunies.
Accepter sa nature créative
Au final, peut-être que ma difficulté à me concentrer sur un seul projet n'est pas un défaut à corriger mais une caractéristique à apprivoiser. Nous ne sommes pas tous faits pour la ligne droite. Certains d'entre nous ont besoin de chemins de traverse, de détours, de retours en arrière.
L'important n'est pas de produire selon un modèle préétabli, mais de rester fidèle à sa propre nature créative. Si je suis un papillon plutôt qu'une fourmi, autant accepter de voltiger de fleur en fleur, en espérant qu'au passage, je contribue à la pollinisation du grand jardin littéraire.
Car qui sait ? Peut-être que dans cette multitude de projets inachevés se cache déjà l'œuvre de ma vie, attendant simplement le moment propice pour éclore. En attendant, je continue à semer, à explorer, à créer. C'est ma façon d'être au monde, ma manière de dire que l'imagination n'a pas de limites, même si le temps, lui, en a.
La création est un voyage, pas une destination. Et moi, je suis un voyageur perpétuel, un nomade de l'imaginaire, trouvant ma joie dans le mouvement plus que dans l'arrivée. C'est peut-être cela, au fond, être un véritable créateur : accepter de vivre dans le flux permanent de l'inspiration, même si cela signifie laisser derrière soi une constellation de projets inachevés, comme autant d'étoiles dans le ciel de l'imagination.



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